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Navarrenx, cité bastionnée en Béarn des GavesNavarrenx, cité bastionnée en Béarn des Gaves
©Navarrenx, cité bastionnée en Béarn des Gaves|OTBDG
Alerte Spoiler : Non, ce n’est pas du Vauban ici !

Pourquoi visiter une citadelle pas faite par Vauban ?

Navarrenx avant de se transformer en une cité fortifiée imprenable (on a encore spoilé !)
était une place de marché plutôt paisible et prospère au 14ème siècle.

Les marchands arrivaient à dos de cheval ou par radeau sur le gave et vendaient leurs victuailles
et autres trésors le mercredi matin, jour de marché.

Plus de 700 ans plus tard, le rendez-vous reste inchangé.

La halle en bois a été remplacée par l’hôtel de ville actuel, les radeaux ont été délaissés ( “ pas hyper stables “ se sont plaints certains …), restent toujours le plaisir de se retrouver autour de bons produits exotico-locaux. Quant aux chevaux, ils y sont toujours, mais sous le capot des carrioles désormais : 120 en moyenne !!

Faisons un bond de 2 siècles ! Retour vers le futur : 1538 !

Henri II d’Albret est vicomte du Béarn et roi de Navarre.
[ De la Navarre, il venait d’en perdre une bonne partie : il ne lui restait que de St Palais à St Jean Pied de Port.] Henri II d’Albret est surtout bien embêté d’être entre la France et l’Espagne qui se font la guerre et ne seraient pas contre récupérer ses terres.

Il décide alors de protéger son royaume et choisit Navarrenx pour en être sa place forte. Une place super forte même !
Navarrenx de par sa position centrale, de par sa défense naturelle avec le gave d’Oloron et étant une bastide (concentration des habitats autour de la place de marché) devient “the place to be” voire “the place to build” !

Henri, lors des campagnes italiennes avec le roi de France François Ier (il est quand même bon de savoir qu’Henri et François sont beaux frères. Parfois, ils se font la guerre, parfois ils partent à la guerre ensemble …) a pu apprécier cette nouvelle architecture défensive qui résiste mieux aux canons à poudre et aux boulets métalliques.

Il s’en va donc à la recherche d’un ingénieur militaire italien.
L’heureux élu est Fabricio Siciliano : plus italien que ça, il n’y avait pas sur le marché !

Siciliano dessine alors les plans de la “tortue” : 1,7 km de long (50 m de plus que l’enceinte interne de Carcassonne, et toc !), au plus haut les remparts sont à 10m. Le chantier est dirigé par François Girard, maître maçon bayonnais. Les pierres viennent des carrières plus ou moins proches : on a été jusqu’à Bidache en chercher.

Les fortifications sont plus basses qu’au Moyen-Âge mais elles sont
plus larges : un parement de pierres, un amas de terre (4 à 5m) et un autre parement de pierres. Un sandwich sur lequel plus d’un s’est cassé une dent ! Ainsi, les remparts étaient dits “élastiques”, capables d’absorber les chocs. 

Bastions à orillons, demi-lune, contremines, arsenal … on était à la pointe de ce qui se faisait en Europe !  

Une dizaine d’années de travaux et de tâcherons ; ces hommes qui étaient payés à la tâche, plus tard … ces remparts sont dits révolutionnaires et même inexpugnables !

1555, c’est la fille d’Henri, Jeanne, qui arrive au pouvoir. 

Jeanne suit les idées de la Réforme et fait basculer le royaume dans le protestantisme.
Ce qui ne manquera pas d’irriter Charles IX, roi de France.

1569, Jeanne recevant des menaces sur ses enfants (Catherine et Henri III), elle part les mettre à l’abri à La Rochelle. Elle prévient Charles IX de cette absence par courrier, lui précisant que le Béarn était entre de bonnes mains avec son baron d’Arros et qu’elle y reviendrait prestement. À peine le Chronopost reçu, les troupes françaises sont envoyées en Béarn pour l’assiéger !
Jeanne avait-elle des problèmes de syntaxe ou bien est-ce Charles qui lisait trop vite ?! 

Le Béarn est sur le point de se rendre … dernière cité à faire tomber : Navarrenx !

Les troupes françaises sont aux pieds des remparts et ont investi les bourgades voisines. 

Pourtant, au bout du 79ème jour, ce sont bien les soldats béarnais 3 fois moins nombreux qui vont capturer les français et leur faire passer un très sale quart d’heure du côté d’Orthez. Le dernier sale quart d’heure de toute leur vie à vrai dire.

Les soldats français, au final, ne réussiront jamais vraiment à attaquer ces remparts très ingénieux pour l’époque, Navarrenx étant la 1ère cité bastionnée de France sur un modèle italien. La cité fortifiée n’aura jamais manqué d’armement. Autre avantage de taille, la fontaine militaire dans l’enceinte des remparts : la source d’eau n’était pas connue, donc l’ennemi ne pouvait ni couper, dévier ou contaminer.
La devise de la ville “Si You Ti Bau” (Si moi j’y vais !) en dit long sur le caractère militaire de la cité !
Ce siège aura permis au Béarn de rester autonome pour ½ siècle de plus.

Ensuite, arrive au pouvoir Henri III, le fils de Jeanne. Une promotion lui est proposée : la couronne française. Non pas qu’on voulait de lui sur le trône français : il était tout de même fils de protestants ! Mais au niveau de la descendance, cela bloquait … il n’y avait que des filles !
“Paris vaut bien une messe” -> Henri III d’Albret devient Henri IV roi catholique de France et de Navarre (le Béarn restera entre parenthèses mais toujours plus ou moins autonome). 

C’est son fils, Louis XIII, qui fera l’honneur de sa présence en 1620 dans la cité fortifiée … en moins de temps qu’il en faut pour mettre le feu aux poudres, il procédera à une messe dans le temple et rétablira ainsi le catholicisme, et par la même occasion il annexera le Béarn à la France.

Ici, on raconte que c’est la France qui a été annexée au Béarn…

Vauban, quant à lui, est venu en 1680 à Navarrenx : soit “100 ans après la guerre”. Elle vient de là peut-être l’expression ?!
Il a refait des plans et a effectué quelques modifications sur le terrain, on pense surtout qu’il s’est largement inspiré de ce qu’il a vu !

Vauban, copieur ?!

Si on reprend notre image de la tortue, on ne peut que penser à la célèbre fable “le lièvre et la tortue”. Vauban serait alors un sacré lièvre qui se sera fait beaucoup de terriers un peu partout mais au final c’est la tortue qui l’emporte … Allez, sans rancune Vauban !

Fabricio Siciliano aura laissé un peu d’Italie ici avec ce vent de dolce vita qui souffle encore sur Navarrenx.

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